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La face cachée des profs!

18 octobre 2011

La vérité sort (parfois) de la bouche des ados...

Je me suis toujours donné comme règle de fonctionnement sur ce blog de ne donner aucun avis politique, ni aucune opinion quelle qu'elle soit sur les mesures gouvernementales en tous genres... mon blog se veut le reflet de ma perception de mon métier, après, c'est à chacun de se faire sa propre idée.

Ceci dit, une fois n'est pas coutume,  je vais évoquer un sujet dont personne n'a entendu parler ces derniers temps... la primaire socialiste! Mais non, cher lecteur  et ami, ne ferme pas tout de suite la page avec cet air lassé que j'aperçois sur ton visage, car je vais l'évoquer sous un aspect nouveau, naïf et innocent: celui de nos ados, qui découvrent la politique pour la première fois...

Moi-même, j'ai ce souvenir lorsque j'avais 15 ans, de mon premier intérêt pour la politique... c'était l'année du fameux débat entre Balladur et Chirac. Nous avions dans notre classe un élève passionné, on ne sait trop pourquoi, par le RPR et par la politique. Je le soupçonne, rétrospectivement, d'avoir à cet âge-là brigué le mandat présidentiel. Je ne l'ai pas encore vu sur la scène politique, je suppose qu'il a changé de voie depuis. Bref, il avait lancé le débat, "si tu pouvais voter, pour qui voterais-tu? ", et toute la classe avait débattu avec nos moyens d'adolescents des récréations durant...

Mes élèves, eux aussi,  vont vivre l'an prochain leur première élection présidentielle en étant en âge de comprendre un certain nombre de choses, et c'est pourquoi dans le cadre de nos élections de délégués, la primaire socialiste est venue sur le tapis. Tapis glissant et savonneux pour un professeur qui tient à n'exprimer aucune opinion sur le sujet, mais qui tient également à répondre à leurs questions et préoccupations. 

J'ai été fascinée par leurs réactions et leurs questions: "Madame, j'ai regardé le débat socialiste, pourquoi aucun homme politique ne répond vraiment à une question? Vous nous répétez toujours qu'il faut être précis dans nos réponses afin de ne pas être hors-sujet, et pourtant, nous l'avons tous vu, les politiques répondent toujours à côté de la question..."

"Moi madame, c'est autre chose qui m'a marqué: lorsque le journaliste pose une question simple et facile à comprendre, le politique fait toujours une réponse longue et compliquée..."

"Madame, nous on va voter en 2017, mais c'est bizarre, on a l'impression que ce seront toujours les mêmes politiciens... pourquoi ça ne change pas?"

Finalement, même si répondre s'est avéré extrêmement difficile, je me dis que la vérité sort (parfois) de la bouche des ados... et, quelquefois, nous autres adultes, nous devrions méditer ce qu'ils disent...

Sauf évidemment quand Mathieu, en plein milieu de ce débat, s'écrie "Moi madame j'irai jamais voter, mon père y dit que c'est tous des crétins sauf lui!!"

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7 octobre 2011

Aïe.

Je trouve que dans notre métier, s'il est le plus beau du monde sans la moindre contestation possible, il y a quand même quelques légers inconvénients. L'effet miroir en est un. Non pas que nos élèves finissent, comme  les chiens à leur maître (ou l'inverse), par nous ressembler, mais plutôt qu'ils nous renvoient en pleine face notre image, telle qu'ils la perçoivent. Le moindre écart vestimentaire, la feuille de salade coincée entre nos dents après la cantine,  nos postillons quand nous parlons fort, rien ne leur échappe.  Les élèves sont au professeur ce que le miroir grossissant est au comédon.

En ce début d'année, le miroir s'est montré bien involontairement cruel envers le comédon que je suis...certes, il me renvoie des images agréables, des éclats de rires, des confidences qui montrent que je suis un professeur aimé... mais  il m'a aussi montré assez brutalement que je vieillis... Ce qui arrive bien moins  dans un bureau, vous en conviendrez.

Dès le début de l'année scolaire, la prise de conscience qu'il s'agissait de ma neuvièment rentrée m'a laissée songeuse... mais neuf n'est point dix (commme diraient les profs de maths), laissons donc la nostalgie du temps qui passe pour l'année prochaine...

Le choc suivant s'est produit en découvrant, un beau matin, dans l'innocente fraîcheur de l'aube, l'année de naissance de la cuvée 2011 de sixièmes... qui sont nés en l'an 2000... Finies, les années 90, finis, les souvenirs d'adolescence, ces petits sixièmes tout roses et tout frais, et moi-même, n'appartenons pas au même millénaire...

En 2000, j'avais 20 ans (et toutes mes dents, mais elles sont encore toutes là, ouf, au moins une chose qui ne se perd pas). J'étais étudiante, je rêvais de devenir prof, et c'était à peu près hier matin. Aie.

Le coup de grâce a été porté cet après midi, par un innocent sixième deuxmillénaire, qui sans le savoir a posé la question qui m'a soudain fait comprendre toute l'ampleur de la finitude humaine telle qu'elle est clamée par les plus grands poètes et philosophes de notre temps, qui avaient sans doute eux aussi été inspirés par une question profondément bouleversante du même type que celle que j'ai eu l'honneur d'entendre en une séance de méthodologie réservée aux petits... le type de question qui vous fait comprendre à quel point nous ne sommes que des grains de sable dans l'engrenage infini de l'univers...

"Madame, c'est quoi un magnétophone?"

J'ai bien failli, ô erreur, répondre par un simple sarcasme à ce petit naïf qui, tout de même, ne savait pas ce qu'était un magnétophone, et pourquoi pas un magnétoscope ou un minitel, pendant qu'on y était?

Et là, l'illumination a eu lieu. Bien sûr qu'ils ne savent pas ce qu'est un magnétophone. Et c'est normal. Ils ne savent pas que quand j'avais leur âge, internet  n'en était qu'à de vagues prémices, que j'ai consulté mes résultats de brevet sur minitel, que j'enregistrais mes films sur cassette vidéo, et que j'ai même encore connu le téléphone où il fallait tourner une roue pour composer les chiffres.  Ils ne savent pas que de mon temps (oui, de mon temps...) on cherchait les informations dans les livres, et les numéros de téléphone dans les annuaires... ils ignorent même que j'ai eu mon premier téléphone portable, dernier cri de la technologie, à l'âge de 16 ans environ, et que c'était très exactement celui-ci...

 

Aïe .

27 septembre 2011

Non, c'est pas vrai, toi ici???

Hé oui, cher petit lecteur résiduel qui continue jour après jour à venir voir si ce blog est définitivement mort, tu ne rêves pas, me revoici! Pleine d'envie et d'enthousiasme, prête à reprendre ma verve coutumière pour te raconter, à toi tout seul qui ne t'es pas lassé, la vie d'une prof au quotidien, dans un collège qui n'a plus rien de sportif...

Je te dois encore, cher lecteur solitaire quelques petites explications quant à cette longue attente qui fut tienne...  qui tiennent en quelques mots: je n'avais pas réalisé à quel point un  deuxième enfant était chronophage. Tout simplement. Et lorsque je disposais de cinq minutes devant moi, j'avoue, cher lecteur orphelin, avoir préféré m'adonner à des activités culturelles qui ont enrichi mes capacités de manière exponentielle, à savoir, surfer sur des réseaux sociaux et jouer à tétris en ligne. Tu sauras tout.

Mais me revoici, pleine de fougue et d'envie, pour te relater par le menu mes aventures dans mon établissement de rêve, j'ai nommé Bahutpépère.

Ah, si tu savais tous les messages qui trottent dans ma tête depuis février dernier, toutes les fascinantes nouveautés dont j'ai à te parler... pour t'en donner un aperçu, je te parlerai dans un proche avenir  des jours de grève dans mon établissement,  et  surtout je traiterai de  cette fascinante question: alors que l'employé de bureau lambda peut se lever et aller au petit coin lorsqu'il le désire, que fait un professeur lorsque la nature le rappelle à l'ordre?

Hé oui, cher lecteur, pour te reconquérir, je suis prête à te dévoiler les plus sinistres secrets de la gent professorale...

A très bientôt!

14 février 2011

Amoûûûûûr

Ah... les coeurs, les fleurettes, les oisillons, les plumes, les paillettes, le rose, les chocolats, et surtout, surtout, les correspondants allemands...

En ce jour où le romantisme règne en maître dans nos coeurs (chéri, si tu me lis, la prochaine fois que tu ne rebouches pas le dentifrice je te le fais bouffer par le...) bref, en ce jour béni où l'amour envahit tout, il me fallait parler de nos ados chéris, et vous raconter leurs premiers frissons.

Depuis quelques temps, les coeurs étaient en émoi, les lisseurs pour cheveux chauffaient, les pots de gel s'accumulaient. Les correspondants allemands allaient arriver! Certains faisaient les blasés, mais tous étaient sur le qui-vive. Notamment Jennifer, brune pétillante à fort caractère et langue bien pendue, à la recherche de l'Âme Soeur du haut de ses 13 ans.

Ils correspondaient depuis plusieurs mois, s'étaient vus en photo et en vidéo, s'attendaient avec impatience. Jennifer, elle, avait saisi immédiatement l'opportunité, la vidéo lui ayant révélé un vivier jusqu'alors inconnu, de mâles tous plus extraordinairement beaux les uns que les autres. Sa correspondante? Oui, oui, certes, mais ce n'était pas l'objet de ses fantasmes. Non. Elle avait repéré tout le potentiel de cette rencontre, qu'elle a traduit pour moi en ces quelques mots frissonnants d'espoir "Rhannn Madame les garçons allemands y sont trooooooop beauuuuuux! Pas comme ceux de chez nous, hein!". Ce à quoi je lui ai doctement répondu en lui citant l'un des plus grands philosophes de tous les temps, Obélix "Les garçons, c'est comme les petits déjeuners, ils sont toujours meilleurs ailleurs que chez soi." (sauf qu'Obélix parlait des romains).

Une semaine passa, durant laquelle je ne vis guère mes petits cupidons partis mener leur étude linguistique (dans tous les sens du terme).

C'est vendredi, juste après le départ des germains, que je les ai revus. Yeux rouges, nez coulants, cernes, reniflements, certaines filles sanglotantes noyées dans leurs mouchoirs, le dos tapoté par des amies compatissantes. Et Jennifer? Jennifer, me direz-vous, a-t-elle trouvé l'âme soeur si soigneusement choisie en vidéo?

Eh bien oui, ami lecteur, je ne vous ferai point languir si longtemps, Jennifer a trouvé le Grand Amour Immortel, et se pâme de désespoir durant tout le cours. Jennifer sanglote, larmoie, oui, l'âme soeur était celui qu'elle avait choisi juste avant!! Leur Amour franchira tous les obstacles. Jennifer se lancera dans la linguistique à coeur perdu.

Tout ceci n'est pas sans rappeler votre fidèle narratrice, à un âge similaire, qui a trouvé l'Amour Eternel en la personne d'un certain Karsten blond, qui, avec tout le recul de ma petite trentaine, était je pense prêt à tomber amoureux de toute fille prête à se laisser un peu tripoter, mais passons...

10 février 2011

Tout est dans la mèche

Oui, oui, je sais, j'ai déjà parlé de mode capillaire adolescente. Mais ma pauv'dame, la mode, c'est fait pour évoluer. Ne soyons pas si ringards!

Les crêtes existent toujours, c'est sûr, mais elles ne sont désormais arborées que par quelques ringards, quelques retardataires qui ne sont pas au fait de la mode, ou par des rebelles qui eux, vivent dangereusement en ignorant hardiment les aléas capillaires exigés pour une bonne intégration dans la société adolescente. De même, les partisans de la touffe sont tout  aussi indéboulonnables.

Mais non, maintenant, pour être dans le coup, pour plaire aux demoiselles, il faut IMPERATIVEMENT imiter le modèle de classe, d'aisance, de talent, celui qui fait frémir d'envie les chauves, pâlir d'exaspération les bouclés, pleurer de désespoir les tondus, j'ai nommé le seul, l'unique, l'égérie des coiffeurs, Justiiiiiiiiiiiiiiiiiiin Biebeeeeeeeeeer!

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Oui, je sais, un tel concentré de talent, de style, d'élégance laisse pantois. Atteindre son physique idéal et son incommensurable don est pure folie. Pourtant, le jeune étalon en mal de pouliche est prêt à tous les risques pour faire remonter sa cote, atteindre à son tour le nirvana capillaire.

Ainsi, nous voyons désormais passer dans le couloirs des têtes ornées de sublimes mèches couvrant l'ensembe d'un oeil, jusqu'au nez et parfois en dessous, travaillées au lisseur, gominées, quelquefois, pour ceux qui n'ont pas la chance d'avoir les cheveux raides, cartonnées au gel (quoique je soupçonne aussi la laque de mamie). Le matin, il faut se mouiller les cheveux, les sécher par-derrière, les lisser, les geler (?), les retourner à la brosse ronde....meeeeeerde le bus!

Aussi, dans les cours, avons-nous droit désormais à ce mouvement de la tête ô combien attirant, visant à dégager de temps à autre l'oeil masqué, avec une sensualité calculée... Quelques uns, encore plus clâssieux, soufflent négligemment par-dessous, afin d'entr'apercevoir la demoiselle de leurs rêves, ou (éventuellement) l'exercice demandé par le professeur un rien excédé de n'avoir que des demi-élèves. Combien de fois ai-je eu envie de leur proposer la barrette Hello Kitty qui traine régulièrement dans ma poche, rien que pour, l'espace d'un instant, ne pas avoir l'impression de tourner une publicité pour pétrole-âne...

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17 janvier 2011

Paradoxes

J'ai déjà évoqué les réunions parents-professeurs dans un message plus ancien, lorsque je travaillais encore au coeur de la cité.

A Bahutpépère, pourtant, l'exercice est tout différent, et pourtant si semblable. Il m'est difficile d'en faire une note humoristique, tant l'ensemble me laisse perplexe.

Contrairement à mon ancien établissement, il y a foule. A peine les portes ouvertes, des hordes de parents aux mains moites, suivis de leurs rejetons hagards, les yeux agrandis par l'anxiété du verdict, se précipitent furieusement dans l'établissement d'ordinaire si familier. Bien sûr, ils se jettent, en dépit de tout bon sens, en direction des salles où se trouvent les professeurs les plus demandés, ceux qui ne pourront pas faire pipi ni manger une miette durant les quatre prochaines heures, j'ai nommé les malheureux professeurs de français et de mathématiques, qui, en ce jour maudit, se demandent sérieusement pourquoi ils n'ont pas choisi d'enseigner le macramé ou la poterie.

Le défilé est incessant, bigarré, bavard ou au contraire étrangement muet. Dans l'esprit du professeur se mélangent les noms, les visages, les performances scolaires, dans le seul but de pouvoir éclairer tous ces esprits avides d'avoir un bilan personnalisé et juste des performance de l'héritier de la famille. Une sorte de kaléidoscope doté d'un mouvement infini tourne dans la tête de l'enseignant qui attrape très vite un vertige pathético-professionnel. Il sera bien en peine, dans les jours suivants, de se souvenir de ce qu'il a bien pu dire ou entendre, tant cela défile vite.

Pourtant, certaines constantes se dégagent, comme l'arrivée de "sosies", le père et le fils, copies conformes à 25 ans d'écart, la petite maman au visage en forme de coeur escortant son petit fiston au visage en forme de coeur. Il y a les parents organisés, limite monomaniaques, serrant dans leurs mains moites d'angoisse le bulletin (en général excellent) de leur progéniture, annotant fébrilement  chaque remarque, surlignant soigneusement le nom des professeurs vus. Il y a les bavards, qui font les questions et les réponses, qui sermonnent leur enfant avant même que vous n'ayez pu en placer une ou au contraire les muets, qui en plus ont l'intéressante manie de rester assis devant vous en silence jusqu'à ce que vous leur fassiez discrètement comprendre que votre soliloque est terminé.

Il y a ceux qui vous abreuvent de compliments, vous disent que vous avez réconcilié leur enfant avec le français, qu'il a réclamé à cor et à cri Huckleberry Finn pour Noël alors qu'il n'avait plus rien lu depuis le CP, que leur ado vous aime tellement. On les retient, ceux-là, petite bouffée d'oxygène dans la valse incessante des visages, ceux qui vous font comprendre que non, vous ne parlez pas aux chaises et aux murs et que vous avez raison de continuer à croire que vous faites le plus beau métier du monde.

Il y a malheureusement aussi les désespérés, les désemparés, ou au contraire ceux qui s'en foutent. Ceux qui vous demandent les larmes aux yeux, mais que faut-il faire? Ce sentiment-là est étrange, ces gens-là ont une bonne quinzaine d'années de plus que vous et attendent avec espoir que vous, avec vos 7 ans d'expérience dans l'enseignement, vos enfants de quatre ans et neuf mois, leurs expliquiez comment aider leurs adolescents...  Il y a le handicap, le divorce, la souffrance, le placement, l'alcoolisme, l'absence totale d'éducation (Mais je ne comprend pas Madame, je n'ai jamais rien refusé à mon fils, il a tout, et il ne fait rien en classe!).... Il y a aussi ceux qui ne prennent pas la peine de venir pour leur propre enfant.  Il y a cette maman, qui après une longue discussion, m'a dit en me serrant la main "Merci d'avoir été si humaine".

Que dire? Quand je rentre le soir après ce type d'exercice, je me sens à la fois vide de toute énergie et remplie de toutes ces émotions que j'absorbe comme une éponge. C'est à la fois difficile et beau, désespérant et émouvant. Comme si, en un soir, on voyait défiler l'image accélérée du monde dans lequel on vit. Je crois qu'il me faudra encore beaucoup de réunions parents-professeurs pour être blasée de ce type d'exercice.

3 janvier 2011

Epique, épique, et ...

Ce matin, telle une héroïne mythique, je me levai, mes yeux bouffis de sommeil encore emplis de mes exploits aussi nocturnes que fictifs. J'accomplis mes tâches diverses, avant d'affronter avec courage les frimas du mois de janvier, ne jetant qu'un oeil blasé au thermomètre qui affichait avec orgueil ses -4 degrés. Les vrais héros n'ont jamais froid, pas même à sept heures du matin.

N'écoutant que ma force de caractère et mon courage naturels, je grattai, avec une force surhumaine, les éclats de givre qui ne rendirent les armes qu'après de nombreuses minutes de combat intense. Je m'attelai à ma tâche, déclamant les célèbres vers qu'Homère prêta à son Ulysse lorsque celui-ci se rendit compte que les quarante prochaines années s'annonçaient un tantinet difficiles: "Put*in de b*rdel de c*nnerie de mois de janvier de m*rde!" (traduction du grec).

Zigzagant avec aisance entre les plaques de verglas, patientant avec ténacité derrière les tracteurs annonciateurs de ma laborieuse campagne, je roulai le long de la voie qui me menait vers mon devoir, sachant que seule la satisfaction de la tâche accomplie pouvait me combler. Je sentis monter en moi la fièvre du service de la Nation, l'envie profonde d'éduquer la jeunesse qui fera la gloire de notre prestigieux pays... En me garant sur le parking couvert de glace, tel Hercule manoeuvrant son char sur la voie glissante de la gloire, je me sentis pénétrée d'une irrépressible envie de transmettre mon Savoir, ignorant courageusement mes deux neurones qui criaient leur envie de regagner le dessous de la couette.

A peine les portes de ce lieu mythique franchies, je m'exclamai, reprenant l'immortelle phrase du roi Egée se jetant dans les flots noirs de la mer éponyme "B*rdel, mais ça caille ici!!!" (traduit du grec). Renseignements pris, je m'avisai que notre aimable gestionnaire avait "oublié de remettre le chauffage hier soir" (je cite) et que la température moyenne des salles était de "16 degrés" (idem).  Qu'à cela ne tienne, si certains héros affrontèrent en leur temps Méduse, l'hydre de Lerne, voire Zeus en personne, j'étais fort capable d'assurer mes cours en claquant des dents et en me collant au radiateur, face à des élèves avides de se pénétrer de mon savoir, enfouis dans leurs doudounes et prenant des notes avec leurs moufles. Le froid vivifie les héros, c'est bien connu!

Mais le héros, personne ne l'ignore, n'achève jamais sa divine tâche. Il me fallut me plier au sacro-saint rituel pythique d'embrasser une soixantaine de joues glacées avec mes lèvres gercées et bleuies en répétant la phrase millénaire qui a perdu en sincérité ce qu'elle a gagné en popularité "Bonanébonnesantémeilleursvoeux" (à traduire dans toutes les langues du monde). Le héros accomplit sa tâche, bien qu'espérant en son fort intérieur pouvoir échapper à la corvée de bise à des personnes avec qui on travaille et qu'on n'embrasse jamais...

Cependant, chers lecteurs, l'héroïne que je suis a failli.

Le héros renâcle quelquefois devant l'ampleur de sa tâche, renonce, abandonne, laissant l'humanité la plus grossière prendre le pas sur l'immensité de son courage. Le héros, parfois, se montre bassement humain. Il se contente de fuir devant la pire des tâches, en laissant là épée et bouclier, casque emplumé et glaive luisant, redevenant alors une simple prof dégoûtée par sa matinée pourrie et écoeurée par le taux de bises fournies en une seule petite journée.

Je n'ai pas fait la bise à Monsieur Mouchamerde.

19 novembre 2010

Ruminants

J'avais à l'origine prévu d'aborder un tout autre sujet, mais ce post chez Soph' m'a inspiré des réflexions hautement philosophiques.

Depuis toujours, les élèves ruminent. C'est un fait établi, l'élève mâche du chewing gum, le professeur traque l'élève mâchouilleur. Une sorte de règle tacite fait qu'il en est ainsi depuis aussi longtemps que la célèbre gomme à mâcher existe (soit depuis 1872, imaginez donc le nombre de professeurs et  d'élèves concernés partout dans le monde).

Pour ma part, j'ai aussi ruminé dans ma jeunesse. Y compris en classe. Le glissement subtil du chewing gum entre les dents et la gencive n'a aucun secret pour moi. Le collage sous table, à mon grand regret, non plus. Pourtant, le plus étonnant est que je n'aime pas tellement cela. Au final, le goût d'un chewing gum ne dure pas tellement longtemps, et devient vite infect. Cela donne somme toute mauvaise haleine, des ballonnements et des douleurs à la mâchoire. Pourtant, à l'époque maintenant lointaine de mon adolescence, j'en mâchais quand même en classe, de temps à autre. Pour faire comme la plèbe moutonnante? Pour me donner un style classieux qui n'a rien à envier à Marguerite dans son pré? Aucune idée.

Le fait est que, les années passant, je ne peux constater qu'une chose: tous, ils ruminent. En souvenir du bon vieux temps, pourtant, je ne sanctionne pas le mâchouillage intempestif. Je me contente de désigner d'un doigt impérieux et sans concession la poubelle. Ou, les jours de bonté, je saisis la merveilleuse invention de Monsieur Poubelle, et je la colle sans aucun commentaire sous le nez du contrevenant. En général, le message est assez clair. Enfin, dernier cas, il m'arrive de dire: "Pendant deux minutes, je ne vois rien. Je vous propose d'en profiter pour jeter ce que vous avez à jeter avant que je ne m'en rende compte." Ca fonctionne plutôt bien, en général.

Pourtant, il existe différents types de ruminants qu'il m'appartient de recenser:

- Le correct: il entre en classe, sort un petit coin de mouchoir, emballe son chewing gum et le jette. Je classe aussi dans cette catégorie celui qui pensait passer inaperçu, mais qui, une fois découvert, s'incline de bonne grâce avec un petit sourire qui signifie clairement "j'ai tenté, j'ai raté", arrache un petit coin de brouillon et jette l'objet du délit.

- L'avaleur fou, aussi appelé "Jo les belles amygdales": il mâche de façon flagrante, et, quand on l'attrape, il déglutit grossièrement et vous jure, nan mais c'est vrai m'dame, promis, nanan mais vous avez des visions, regardez!!! qu'il n'avait rien en bouche. Pour vous le prouver, il va ouvrir sa cavité buccale tel un hippopotame las et vous montrer ses chicots (un plombage s'impose, à force de mâchouiller), sa langue, sa luette, ses amygdales, voire le fond de son slip si c'était possible. Encore mieux, il va écarter ses gencives, pour vous montrer que là non plus, il n'y a rien, excepté éventuellement un reste de salade de la cantine. Vous avez perdu 5 minutes de cours pour un type qui finira par avoir un ulcère à force d'avaler ces cochonneries, et qui ira à l'infirmerie pour maux de ventre au cours suivant. En revanche, vous en avez appris beaucoup sur l'hygiène bucco-dentaire des adolescents.

- La poubelle: il a l'air de mâcher du chewing gum. Vous avez même vu un objet suspect dans sa bouche. Mais non, non, madame, c'était un bonbon (un médicament, un reste de la cantine, un truc que j'avais coincé entre mes dents, un élastique de mon appareil). Et encore, là, ça va. Cette année, j'ai un spécialiste du mâchouillage de trucs immondes: "Mais non, madame, c'est mon mouchoir, il me restait un coin propre!". Un bout de gomme, un bout de plastique, un lacet (sic!), une crotte de n.... non, merci on arrête, déjà que toute la classe est en train de crier èèèèèèèèèèèèèèèèhhhhh au point qu'on croirait entendre un troupeau de caprins à la période des amours (en même temps, ça change des vaches).

Et autrefois, à Citéquiflambe, j'ai eu le champion du monde en la matière. Tactique imparable. Il allait vers la poubelle, revenait, et cinq minutes plus tard, mâchait de nouveau. Son astuce? Il tout en faisant mine de le jeter, il collait discrètement l'objet du délit...sur son pantalon, pour le reprendre aussitôt après... et ce dans tous les cours, sur toute une journée!

Il m'arrive de me demander, parfois, si le chewing gum n'est pas un jeu vieux comme le monde: l'élève essaye de le cacher, le professeur essaye de le trouver. Et ce jeu de piste se perpétuera aussi longtemps qu'il existera des profs et des ados...

5 novembre 2010

Brèves

Pour célébrer la rentrée, et avant que je n'aie le temps d'écrire quelque chose de plus long, quelques brèves récentes...

Dernières nouvelles de Monsieur Mouchamerde

Pour les fans, et tous ceux qui attendent de ses nouvelles, notre charmant monsieur Mouchamerde se porte toujours à merveille. Il porte toujours la même chemise depuis la rentrée. Notre tentative d'aspersion de déodorant de son pull abandonné en salle des profs n'a provoqué aucune  réaction autre  que notre hilarité. Nous nous demandons si la fonction "odorat" de son programme est déréglée. Il ne sent pas l'odeur de putréfaction, certes,  il nage dedans. Mais il n'a pas semblé percevoir non plus l'odeur de déodorant à l'hibiscus. Il faudra nous montrer plus efficaces. Personne ne s'est encore dévoué pour apporter une réponse à la question de ses sous-vêtements.  Affaire à creuser.

Cross du collège

Aujourd'hui a eu lieu le cross. J'ai passé 3 heures plantée sur un bout de parking, à vérifier que nos élèves ne se prennent pas la barrière de sécurité en pleine tête en ratant un virage. C'est ma classe de quatrième qui a gagné. Ca tombe bien, je les avais briefés le matin même, leur disant que ma classe ne peut en aucun cas être une classe de perdants, et que je veux être fière d'eux. A la fin du cross, ils sont venus me voir, dans mon gilet jaune fluo des plus seyants, pour me dire l'oeil humide "Madame, c'est pour que vous soyez fière de nous qu'on a gagné." Je n'y crois pas une seconde, mais ça fait toujours plaisir quand on a passé l'après-midi avec pour seule occupation de crier "on ralentit avant le viraaaaaage!!!!..... et voilà, tu t'es pris la barrière, qu'est-ce que j'ai dit!', et pour seule lecture les insanités écrites sur l'abribus, genre "Priscilla s*ce", "M+A= Q" "le prof de maths est trop boooooon"!

L'attaque des Morbacks

Ai frisé le désastre ce matin. Dans notre étude de T*m Sawyer, petit cours de vocabulaire pour qualifier un chenapan, un garnement, un galopin... Lorsqu'un élève lève le doigt:

"Madame, quand ma maman trouve que j'exagère, et que je la fais ch....euh que je l'embête, elle me traite de petit Morback . Ca veut dire quoi, madame?

Bien. Soit j'explique à ce jeune homme que sa mère le traite de parasite pubien, et ce alors qu'il est âgé de 13 ans et devant tous ses copains, soit je renvoie la mère en question à ses responsabilités.  Ne voulant pas pourrir définitivement la réputation de cet ado fort sympathique , j'ai choisi la lâcheté. "Tu demanderas à ta maman de t'expliquer en privé, mon petit.'

Parents, attention aux surnoms crétins que vous donnez à votre enfant, cela peut leur pourrir une réputation à vie.

11 octobre 2010

Le petit nouveau

Il a débarqué de sa planête un beau jour de septembre, sous une apparence humaine gentillette, avec pour couverture un titre de professeur d'anglais remplaçant à l'année. Il a choisi comme apparence celle de Monsieur Mouchamerde, arborant discrètement une petite cinquantaine ringarde, costume gris petite barbichette mallette en cuir d'un autre âge. Sur sa planête, on ne lui a guère appris le terrien, alors ma foi, il n'a parlé à personne au début, décourageant les plus aimables tentatives.

Comme il a appris en Cours de Préparation à l'Invasion Terrestre qu'un professeur punit les vilains ados pas sages, il s'est renseigné rapidement sur les choses fondamentales à Bahutpépère: heures de colle, exclusions, coups de pieds aux fesses... Très utile dans ce collège... mais bon, tout le monde a le droit de se renseigner!

En revanche il n'a pas été programmé pour toute activité non professorale: nettoyer le tableau, demander aux élèves de monter les chaises, accompagner les trilingues en sortie, surveiller le cross du collège, assister à des réunions, entrer ses notes dans le logiciel adéquat. Que nenni! La moindre tentative en ce sens s'est soldée par un bug majeur des circuits, provoquant bougonnements, refus catégoriques, phrases préenregistrées répétées compulsivement "cela n'entre pas dans mes attributions c'est inadmissible c'est inadmissible c'est inadmissible...".

De même, la programmation connaît quelques faiblesses dans l'entre-deux-cours... Ainsi, lorsque Monsieur Mouchamerde est désoeuvré, il s'assied toujours sur la même chaise, à la même table, pose ses deux mains sur sa mallette et... attend. Des heures. Sans bouger. Sans répondre lorsqu'on lui parle. Batteries à plat.

Malheureusement, sur la planête de Monsieur Mouchamerde, on ne connaît guère les coutumes humaines. Ainsi, ses programmateurs ne lui ont fourni qu'un seul kit d'habillement depuis le premier septembre. Imaginez le même costume gris, le même veston, le même pantalon, et surtout, surtout, la même chemise. Oui. La même chemise. Blanche le premier septembre (enfin, nous croyons, nous ne nous sommes pas méfiés à cette époque...). Actuellement, jaune, marron, noire au niveau du col, tachée de gouttes de  sang sur les bras, transparente de graisse à d'autres endroits. Et dans l'histoire, nous ne savons pas s'il a des sous-vêtements dans le même état...

Monsieur Mouchamerde possède une arme puissante pour lutter contre toute tentative d'approche...l'odeur. Poivrée, musquée, aux relents de putois en décomposition. Je peux témoigner, pour être à mon grand dam restée un sinistre jour coincée derrière lui à la restitution des plateaux de cantine, avoir été prise dans un maelström odoriférant ayant provoqué chez moi une série de haut-le-coeur qui n'ont pu disparaître qu'après une dizaine de minutes à l'air pur de la campagne.

Le problème? La couverture pourtant soigneusement étudiée de Monsieur Mouchamerde se fissure petit à petit. Les élèves viennent voir leur professeur principal (moi, par exemple), lui parlant confusément d'odeur insoutenable refus d'ouvrir les fenêtre cours magistraux en anglais pour les débutants madame on ne comprend rien on a tous 2 au contrôle il nous traite de nuls et de ratés on fait quoi madame?

Petit à petit les parents s'en mêlent: "Il n'est pas dans mes habitudes de critiquer mais pensez-vous sincèrement que le professeur d'anglais de ma fille soit vraiment apte...."

La nationalité extraterrestre de Monsieur Mouchamerde va-t-elle être dévoilée?

Bahutpépère à Bledpaumé va-t-il exploser suite à l'allumage malencontreux d'un briquet dans le sillage direct de notre aimable collègue?

Sa chemise va-t-elle se déliter sur lui?

Porte-t-il des sous-vêtements, et si oui, sont-ils dans le même état que sa chemise?

Suite au prochain épisode...

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